L'elfe, la bière et les insomnies

Kermarec Admin Messages : 134 Date d'inscription : 21/04/2014

Matthieu se tournait et se retournait sous les couvertures. Un rapide coup d'oeil à l'horloge lui indiqua qu'il était environ 4h55, il maugréa à voix basse en se rendant compte que seulement dix minutes s'étaient écoulées depuis la dernière fois qu'il avait regardé.
Ses bougonnements incessants et ses gesticulations eurent bientôt raison de la torpeur de Morgane étendue à côté de lui, qui se mit à gémir et à lancrer un vague:

"Quequoic'est... Hmm... Boucan... Envie d'dormir...
- Pardon ma puce j'arrive pas à dormir.
- Hmmmm...
- J'vais faire un tour, rendors-toi.
- Hmmmmm..."

Joignant alors le geste à la parole, Matthieu se leva. Il enfila une robe de sorcier et hésita à y accrocher une cape de laine bien chaude. Un coup de tonnerre dehors l'encouragea dans cette optique, mais même si un orage faisait rage dehors, chose fréquente dans les Cévennes en plein été, on restait quand même justement, en plein été.
La température était très clémente et une simple robe de sorcier par dessus son caleçon et son t-shirt suffisait amplement.

Il chercha la poignée de la porte de sa chambre à tâtons, la pièce sans fenêtre étant plongée dans l'obscurité la plus totale.
Lorsqu'il la trouva enfin, il ouvrit délicatement la porte, sortit, puis la referma derrière lui, autant éviter de réveiller totalement Morgane.

Un flash aveuglant l'éblouit alors... Par réflexe il porta immédiatement la main à sa baguette magique, mais le grondement sourd du tonnerre se fit alors entendre. Se disant que sortir d'une pièce plongée dans les ténèbres pour se prendre ensuite immédiatement le "flash" d'un éclair en plein dans les mirettes résumait bien sa vie, Mathieu attendit que sa vue revienne à la normale.

Lorsque ce fut le cas, ce qu'il vit le calma instantanément. Cette pièce, "l'antichambre" comme il l'appelait était sa pièce préférée. La pièce, de petite taille, prenait un quart de la tour, sur le côté il y avait une petite porte qui menait au bain et aux toilettes, droit devant un escalier en pierre plongeait en colimaçon vers l'étage du dessous.
Mais surtout, ce qui faisait tellement le charme de cette pièce ce n'était pas cet escalier, pas plus que la beauté des pierre apparentes maçonnées à la perfection grâce à la magie, même pas la minuscule cheminée qui malgré sa petite taille semblait diffuser une chaleur des plus agréable dans la relative fraîcheur de ce début de matinée pluvieuse.
Non, ce qui faisait le charme de cette pièce c'était ce petit bureau en acajou et surtout ce qui se trouvait derrière ce bureau... Un magnifique vitrail disposé en arc de cercle, "cassant" l'épaisseur du mur et qui malgré les nuages, laissait passer une fine lumière multicolore dans la minuscule pièce.

Matthieu avait son bureau, son vrai bureau avec toutes ses affaires à l'étage inférieur. Mais lorsqu'il voulait être tranquille, il travaillait ou procrastinait ici.
Il s'assit à son bureau et regarda à travers le vitrail. Il devinait la silhouette floue des remparts de Magifort et en contrebas dans les maisons, les lumières de quelques couche-tard (ou lève-tôt plus probablement) du bourg de Montplanqué.
Il eut un bref mouvement de sursaut lorsqu'un nouveau flash l'aveugla, puis lorsque le tonnerre se fit entendre à nouveau, il fut suivi cette fois par des pluies torrentielles.
Matthieu observa d'un air absent l'eau ruisseler à l'extérieur sur le verre coloré du vitrail pendant quelques minutes interminables puis il appela à voix basse...

"Lagodas."

Sa minuscule elfe de maison apparut joyeusement. L'elfe avait pour habitude de toujours parler d'une voix criarde et très aiguë , aussi Matthieu eu peur qu'elle ne réveille Morgane qui dormait toujours dans la pièce à côté.
Mais ses craintes étaient infondées. Certes la petite elfe parla de sa sempiternelle voix suraiguë, mais en semblant presque chuchoter. Le tout étant relativement discret en plus d'être hilarant.

"Pas couché maître ? Ou déjà levé maître ? Il vous faut quelque chose maître ?"

Joviale, l'elfe semblait sautiller sur place dans sa minuscule tunique arborant un blason démesuré de l'Ordre du Loup sur sa poitrine.
Cette tunique, Matthieu avait à tout prix voulu la lui offrir. Lagodas, alors persuadée qu'il voulait la renvoyer, était rentrée dans une crise hystérique et il avait fallu des trésors de diplomatie pour lui faire accepter cela non pas comme un vêtement mais comme une tenue de fonction.

"Trop pensif pour dormir. Et oui, si tu pouvais m'amener une bonne pinte bien fraîche.
- Une pinte de quoi maître ?
- De la locale, celle du Pot-A-Bières. La blonde, triple fermentation.
- Tout de suite maître."

A peine Lagodas avait-elle fini sa phrase qu'elle s'était volatilisée. Une fois Matthieu avait proféré l'énormité selon laquelle elle pouvait y aller en marchant que rien ne pressait. L'elfe s'était exécutée mais ce qui partait d'une bonne intention de sa part était en fait une mauvaise idée. Il était en effet beaucoup plus difficile pour la petite créature de déambuler dans les escaliers et les couloirs que de transplaner d'un point 'A' à un point 'B'.
Cette fois-çi, il l'avait laissée faire à son aise, aussi moins de quatre secondes plus tard l'elfe apparaissait à ses côtés dans un petit craquement sonore, une grande pinte trônant au sommet du plateau qu'elle portait.

Après l'avoir comme à son habitude machinalement remercié, Matthieu s'empara de la corne remplie de bière.
Il n'avais pas pour habitude de boire de l'alcool de bon matin, mais vu qu'il n'avais pas dormit était-ce donc vraiment le matin se demanda-t'il pour se rasséréner.
Il porta le réceptacle à ses lèvres et bu une gorgée de la délicieuse bière de Romain Potdbière. Il repensa avec nostalgie à l'époque ou ce dernier se faisait chambrer pour son nom à l'école qui s'appelait alors Magisort et non Magifort. Au final il avait tourné les quolibets dont il avait été victime à son avantage, avait joué le jeu et avait ouvert ce qui était désormais la plus grande et la meilleure taverne de Montplanqué et sous peu probablement la meilleure brasserie de France.
Une bien belle leçon de vie se dit-t'il.

La bière aidant, il se perdit dans ses réflexions pendant encore un moment.
Il faut dire qu'avant d'essayer de dormir, il en avait bu quelques-unes. Aussi, s'il n'était pas totalement ivre, il était quand même dans un état selon lui très réceptif.
Aussi se mit-t'il au travail...

Cela faisait plusieurs mois déjà qu'il avait acquît la certitude de Nicolas Thiebault et Julien Yamana étaient non seulement vivants, mais également à la tête d'un Ministère désormais.
Et il lui fallait agir, il devait ça à tous les gens qu'il avait perdu mais aussi à tous ceux qu'il ne connaissait pas qui étaient morts de la main de ces gens-là.
Mais agir était compliqué, c'est pour cela que Nicolas et Julien ne se cachaient qu'à moitié, ayant tout juste assez de jugeote pour ne pas faire un communiqué de presse devant la Communauté Magique Internationale. Ils se savaient intouchables, il n'y avait plus eu de guerre entre Nations Magiques depuis des siècles et la Communauté Magique ne s'y risquerait pas pour deux hommes, quand bien même leur culpabilité serait prouvée.

La seule chose à faire était de sortir des sentiers balisés, de combattre à armes égales.
Les idées étaient là, dans sa tête depuis des semaines, voire des mois. Mais il n'arrivait jamais à tout relier efficacement, puis, en lisant le dernier rapport venu de Transylvanie il eut alors le déclic.
Il se mit alors à couvrir un carnet de notes, puis il fit le tri et les recopia au propre une fois satisfait de lui... Tout en relisant le tout il se dit que quelques bières en quantité raisonnable et une bonne nuit blanche pouvaient faire des miracles.

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Lorsque Morgane ouvrit les yeux elle se rendit compte qu'elle était seule dans le lit. Elle avait l'habitude, surtout quand elle et Matthieu buvaient un "petit" coup avec des amis la veille. Il était peut-être aux chiottes, ou dormant sur un canapé, ou affalé sur l'un de ses bureau... Ou bien encore en train de vomir sur les élèves profitant de leur dimanche se dit-elle avec espièglerie.
Mais, tout en s'habillant elle se remémora la soirée passée et ne se rappela pas que Matthieu ait tant bu que cela. Il était probablement sorti faire un tour sur les remparts, ça lui prenait souvent lorsqu'il n'arrivait pas à dormir.
En posant la main sur la poignée de la porte ses yeux se portèrent alors seulement sur l'horloge et elle vit qu'il était déjà presque 10h... Pour elle c'était l'équivalent d'une grasse matinée ultime.

Elle ouvrit la porte et pénétra dans l'antichambre. La pièce était sombre, aucune lumière ne filtrait par le vitrail, plus d'éclairs ni de soleil, seulement le bruit d'une pluie battante à l'extérieur.
Malgré tout, la luminosité était quand même bien meilleure là, que dans la chambre ténébreuse d'ou elle sortait. Aussi vit-t'elle immédiatement la silhouette affalée dans le fauteuil placé devant le petit bureau en acajou.
Elle se rapprocha et ses yeux se posèrent sur le bureau... Outre trois pintes vides se trouvait un dossier sur lequel était écrit en lettres capitales "OPERATION LOUPS SOLITAIRES", elle l'ouvrit et vit que l'intérieur était composé de cinq sous-dossiers nommés "Equipe Dragon", "Equipe Sombral", "Equipe Troll", "Equipe Lutin" et "Equipe Nifleur".
Fronçant les sourcils, perplexe, elle referma le dossier et le mit sous clé. Plus qu'à attendre le réveil de Matthieu afin qu'il lui explique tout en détail.